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Burnout : le témoignage de Monique Zapotiny

Décoratrice d’intérieur à son compte depuis janvier 2020, Monique Zapotiny est passée par l’étape difficile du burnout avant de vivre de sa passion. À aujourd’hui 58 ans, l’auto-entrepreneuse nous parle de son expérience avec ce syndrome d’épuisement, touchant près de trois salariés sur dix.

 

 

Que faisiez-vous avant votre burnout ?

 

J’ai travaillé pendant 30 ans dans le bâtiment et le second-d’œuvre. D’abord 16 ans dans une entreprise familiale dans les Vosges, qui vendait du carrelage et du sanitaire, puis 15 ans dans un grand groupe spécialisé dans le même domaine. Durant ces 15 années, j’ai été responsable de deux salles d’exposition.

Pendant quatre ans, j’ai managé une équipe de six vendeurs. J’étais en contact avec le client, mais je m’occupais plus du management, de faire respecter la politique commerciale, d’agencer la salle. Ensuite j’ai mis en route une nouvelle salle d’exposition et un nouveau dépôt. C’est mon dernier emploi et l’ai occupé pendant 8 ans. Je recevais les clients, préparais les devis, faisais les commandes et tout le travail commercial.

 

Comment s’est manifesté votre burnout ?

 

Le burn-out est une maladie. Beaucoup de gens peuvent le confondre avec un coup de déprime. Cela relève un peu d’une pathologie psychiatrique, un état dépressif et un mal-être. Cela vient d’un excès de travail, et on a du mal à se fixer des limites. Plus on va en faire, plus on veut en faire. On a une fatigue physique, on accuse la hiérarchie, l’incompréhension de l’entourage.

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On se rend compte que quelque chose ne va pas, qu’on est déçu dans son travail. On a toujours l’impression qu’on ne va jamais y arriver mais on ne veut pas décevoir la hiérarchie, alors on en fait de plus en plus. C’est un stress continu qui te pousse, tu te dis « moi je suis forte, j’ai toujours réussi, je vais y arriver », et un jour un élément perturbateur fait que ton cerveau s’arrête. Tu es toujours en en compétition, ce n’est pas contrôlé.

Je ne me suis pas rendue compte que je faisais un burnout. C’est mon médecin qui a dû me le dire pour que je réalise. A partir du moment où il me l’a dit, j’ai tout lâché. D’un coup j’ai été fatiguée, on a le cerveau qui bugue, c’est le trou noir et tu ne peux plus rien faire.

J’ai eu besoin d’un déclic. Il a fallu me mettre le nez dedans. Je me suis quand même dit que quelque chose n’allait pas. J’oubliais beaucoup de choses, je notais tout, je reconnaissais moins bien les clients.

J’ai lu une métaphore dans un livre sur le burnout et elle le défini très bien: un immeuble totalement brûlé, mais la façade est intacte.

 

 

Comment étaient vos journées pendant votre burnout ?

 

Je restais couchée. Je ne faisais rien. Tu ne peux pas lire, tu ne peux écrire, c’est déjà trop pour ton cerveau. Tu n’as qu’une envie, c’est de dormir. Tu ne te reconnais pas, ça détruit un peu ta personnalité. Les gens ne te reconnaissent plus vraiment.

 

 

Combien de temps a duré votre burnout ?

 

Je pense que je suis guérie, mais c’est quelque chose que tu as à vie. Cela ne part jamais vraiment. Dès que j’ai un coup de stress, je sens que je peux repartir dans des travers. C’est au bout d’un an que je me suis sentie prête à reprendre doucement une activité professionnelle. Je me suis dit que j’allais faire ce que j’avais envie de faire.

Quand je me suis installée, j’ai senti que le burnout était toujours présent : syndrome de l’imposteur, être légitime, à sa place. Cela te dévalorise beaucoup parce que tu culpabilises. Il faut du temps et de la patience pour se retrouver.

 

 

Avez-vous été suivie psychologiquement ?

 

J’ai été suivie par un médecin tout le long, je n’ai pas voulu prendre d’anti dépresseurs. J’y allais tous les quinze jours. Le burnout est aussi une cause de suicide, il s’assurait aussi que je ne tombe pas aussi bas. Je ne pense pas que j’en étais là, j’étais bien entourée, mais sans anti-dépresseurs, ça peut aller vite.

J’ai aussi consulté un psychologue et un psychiatre. J’ai été suivie pendant un an et demi. C’est aussi un travail sur soi et pour soi. Prendre du temps, lire et apprendre. Aujourd’hui, je n’ai plus de visite de contrôle mais je continue ce travail personnel. Je me renseigne sur le coaching et le développement personnel. Je suis beaucoup plus attentive à ma santé mentale, d’autant que je connais les symptômes. Au moindre gros coup de stress, je fais attention.

Je me suis reposée, j’ai pris du temps pour moi. Mon mari m’a beaucoup aidée et soutenue. Ce n’est pas évident de vivre avec quelqu’un en crise de burnout.

Le fait de créer mon entreprise, de me challenger m’a fait du bien.

 

 

Avez-vous dit à votre hiérarchie que vous étiez en burnout ?

 

Je ne leur ai pas dit sur le coup. J’étais en arrêt de travail et ça n’était pas notifié dessus. Tu ne peux pas le dire à ta hiérarchie parce que tu as cette honte qui te fais penser que tu n’as pas réussi dans ton travail.

Il y a trois ans, le burnout n’était pas reconnu comme une maladie professionnelle. Et les patrons, en tout cas dans mon entreprise, ne reconnaissaient pas les problèmes psychologiques.

Je l’ai dit après, lors de ma demande de rupture conventionnelle, en août 2019. Mes supérieurs n’ont pas compris. Pour eux j’étais très compétente, j’étais proche de chez moi, il n’y avait pas de problème. Ils ne se sont pas remis en question. Aujourd’hui ça a un peu changé. Il y a eu d’autres burnout après moi. Ils ont fait plus attention à ce qu’il s’était passé. L’été je travaillais huit semaines d’affilée du lundi matin au samedi soir. Maintenant ça n’existe plus.

 

 

Cette honte ressentie par rapport à votre hiérarchie l’avez-vous eue aussi avec ton entourage ?

 

Pas avec mon entourage proche. Je dis toujours que mon mari et mes filles ont été super. Mon mari m’a toujours suivie. Mais je l’ai aussi dit à des personnes qui n’ont pas compris. On m’a dit « je comprends, pas il faut que tu retournes travailler, tu gagnes bien ta vie, tu es à quatre minutes de chez toi ». C’est vrai que mes conditions de travail étaient bonnes, mais tu as plus envie de ton bien-être personnel que de l’argent. Le fait que tout le monde ne comprenne pas, c’est dur. Ca renforce la honte de ne pas avoir su gérer.

 

 

 

Vous voyiez-vous retourner au salariat ?

 

Je ne voulais pas retourner dans le poste que j’avais, mais j’ai voulu retourner dans l’entreprise. J’ai vite senti qu’eux n’avaient pas envie de s’embarrasser avec quelqu’un qui avait fait un burnout. Quand je suis retournée voir mon patron pour la première fois, je ne le savais pas, mais je n’étais pas guérie. Lui a dû sentir que j’étais encore fragile et épuisée. Je suis allée le voir trop tôt, je n’avais même pas six mois d’arrêt.

Finalement, je ne me suis pas vu retourner au salariat. Ni dans mon ancienne entreprise, ni ailleurs. Ma vision de l’entreprise a changé. Il a des choses que je supportais avant, que je ne supporterai plus et que je n’aurais d’ailleurs pas dû supporter à l’époque. Avec le burnout, tu prends de nouvelles habitudes de vie. Ca déséquilibre, tu changes et tu abordes les choses différemment.

Au début, je ne savais pas ce que je voulais faire. Je me suis dit qu’il fallait que je reste dans mes compétences, mais différemment. D’une façon qui me ressemble, qui me plaise à moi et pas pour un patron.

 

 

Avec le recul, savez-vous pourquoi vous avez fait un burnout ?

 

C’est un tout : le boulot, tenir la maison seule. Le burnout, ça arrive aux “Madame Parfaite”. Moi je voulais être une Madame Parfaite.

Sur le coup je ne savais pas que c’était à cause de cela. Je me suis dit que j’étais nulle, que je n’ai pas réussi à faire mon boulot jusqu’au bout. Tu culpabilises et te dis que c’est ta faute. Après, quand tu réfléchis, que tu prends les choses les unes derrières les autres, tu t’aperçois que plusieurs paramètres n’allaient pas et que ce n’est pas toi. C’est un processus long.

 

 

Vous sentez-vous épanouie ?

 

Je suis épanouie, je suis bien dans mon travail, mais je ne le suis pas encore totalement. J’ai toujours un manque de confiance en moi suite au burnout.

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Je n’ai plus de compte à rendre à personne, je suis libre. Ce sont les avantages par rapport à mon état psychologique. Je suis sortie de cet état de fatigue.

J’ai douté lors de la création de mon entreprise, j’ai pris sur moi et c’est finalement ce qui m’a fait du bien.

 

Avec les vagues de confinement et de Covid-19, la santé mentale des salariés s’est dégradée. Début 2022, ce sont 2,5 millions de salariés qui sont en état de burnout sévère selon le neuvième baromètre du cabinet Empreinte Humaine. Face à la détresse psychologique vous n’êtes pas seul. Le ministère du travail a mis en place un numéro vert pour limiter les risques de burnout. C’est gratuit et anonyme, appelez le 0800 13 00 00.

 

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